Maximes

  • Un verre de vin...

    C´esl le message d´amitié transmis, d´année en année, par plus de cent générations de vignerons. C´est la prospection de milliers de radicelles pour surprendre le secret de la roche. C´est la sublimation de toute la chaleur d´un été. C´est le fruit d´une année de labeur du viticulteur... C´est le rire du vendangeur, l´effort du pressureur, l´amour du caviste, sa vigilance, sa compétence pour parfaire le chef-d´oeuvre. Tout ce que l´homme a de bon, il le transmet au vin: courage, gaieté, foi, persévérance, amour, optimisme. Tout ce que la nature a de beau, elle le communique au vin: chaleur, force, lumière, couleur, mystère... Le vin, c´est de la matière en marche vers l´esprit et tout cela se voit à travers le cristal.

    Louis ORIZET, A. travers le cristal, Villefranche,
    Ed. du Cuvier, 1958

  • L´amateur de Bordeaux

    II s´agit du négociant Duffour-Dubergier, maire de Bordeaux et qui, comme président de la chambre de commerce en 1855 sera à l´initiative du fameux classement. Le poète Biarnez le décrit en train d´officier dans son domaine de Gironville, avant d´y donner un grand dî ner.

    Méprisant d´un valet l´inhabile assistance,
    Lui-même de sa cave, il descend les degrés,
    Et, s´arrêtant devant ses casiers vénérés,
    L´une après l´autre, il prend les bouteilles penchées.
    Sur le même cô té, les dépose couchées
    Dans un berceau d´osier [...]
    [...] Sans changer le verre de son sège,
    Du goulot, lentement, il fait glisser le liège;
    Sous le flacon qu´il tient toujours horizontal,
    Il présente aussitô t un flacon de cristal;
    L´oe il attentif, fixé sur le brillant liquide,
    Sa main le fait couler tant qu´il parait limpide.
    Si de tartre ou de lie, un atome apparait,
    II s´arrête... le fond ne vaut pas un regret.
    C´est ainsi que toujours, transparente et vermeille,
    La liqueur doit sortir d´une vieille bouteille.

    Les Grands Vins de Bordeaux,
    Paris, Plon, 1849

  • Goûter le vin en Bourgogne

    Bourguignon, né à Chagny, professeur agrégé de lettres, André Lagrange consacra sa vie à rassembler et à présenter les collections du musée du Vin de Bourgogne à Beaune. En même temps, il recueillait, auprès des vignerons de la côte châlonnaise, une information orale exhaustive sur leurs savoirs et leurs savoirfaire: il la restitue dans ce récit allègre de lÕannée d´un vigneron bourguignon.

    Le Toine de Vinzelles et son voisin le Glaude goûtent dans la cave, en novembre, le vin nouveau qui a fini sa fermentation.
    Le Glaude en siphonne une gorgée; d´un clappement sec, il la projette contre le fond du palais, l´y maintient quelques instants, les joues gonflées, les yeux levés au ciel de la cave; puis d´une brusque détente de la langue, il renvoie la liqueur entre ses dents; plusieurs fois, il recommence le manège, ponctué par le bruit des lèvres, frisant comme celui d´un robinet. Les maichoires dévorent avec avidité le corps résistant du vin, finalement englouti:
    - " II a de la mâche, pour selon.
    - Oui! le crois que cette année, y tiendra son prix>>.
    - Le Glaude finit tranquillement son verre, le retourne et le secoue comme pour en faire tomber une goutte imaginaire, le donne au Toine qui le remplit à nouveau, mais pour lui-même, cette fois. Il officie à son tour, dans un pieux recueillement, pour lancer en fin de compte : " Pas ch´tit, non, pas ch´tit".

    Moi, je suis vigneron,
    Villefranche, Editions du Cuvier, 1960

  • Rêverie dans la cave

    Fritz Kobus, en 1864, s´attarde dans sa "vraie cave", "la cave des bouteilles", il rêve...:
    Si les pauvres vieux qui ont avec tant de sagesse et de prévoyance, mis de cô té ces bons vins, s´ils revenaient, je suis sûr qu´ils seraient contents... Ces vins-là, s´ils sont plus jeunes que les autres, ne sont pas d´une qualité inférieure; l ils vieilliront et remplaceront dignement les anciens. C´est ainsi que se transmettent les traditions et qu´il y a toujours, non seulement du bon, mais même du meilleur dans les mêmes familles. Oui, si le vieux Nicolas Kobus, le grand-père Frantz-Sépel, et mon propre père Zacharias, pouvaient revenir et goûter ces vins, ils seraient satisfaits de leur petit-fils... C´est triste tout de même! des gens si prudents, de si bons vivants, penser qu´ils ne peuvent seulement plus goûter un verre de leur vin et se réjouir en louant le Seigneur de ses grâces ! Enfin, c´est comme cela; le même accident nous arrivera tô t ou tard et voilà pourquoi nous devons profiter des bonnes choses pendant que nous y sommes!. Après ces réflexions méloncoliques, Kobus choisit les vins qu´il voulait boire en ce jour, et cela le remit de bonne humeur.

    ERCKMANN-CHATRIANI L´Ami Fritz, 1864

  • Eloge du vin à table

    Le vin est, selon beaucoup d´auteurs, le meilleur ami de l´homme, lorsqu´on en use avec modération, et son plus grand ennemi si on le prend ovec excès. C´est le compagnon de notre vie, le consolateur de nos chagrins, l´ornement de notre prospérité, la principale source de nos vraies sensations. Il est le lait des vieillards, le baume des adultes et le véhicule des guurmands. Le meilleur repas sans vin est comme un bal sans orchestre, comme un comédien sans rouge ou comme un apothicaire sans quinquina... Dès que les vins fins ont commencé à couler dans les verres..., tous les coe urs s´ouvrent à la confiance, à l´hilarité; chacun perd sa gravité, votre voisin devient votre ami... et pour peu que l´amphitryon ait le soin de servir graduellement ses vins, en finissant par les plus capiteux, la table n´offrira bientô t plus qu´une réunion de bons frères et d´amis véritables.

    Alexandre GRlMOD DE LA REYNIERE (1758-1838), Almanach des gourmands, 1803

  • La Marseillaise des bouilleurs de cru

    Allons! Enfants de la chaudière,
    Le jour de cuire est arrivé.
    Contre nous, d´une loi meurtrière
    Le décret cinglant est levé (bis).
    Entender-vous de la Régie
    Mugir les féroces gab´lous ?
    Ils viennent comme des filous
    Etrangler nos vins et nos eaux-de-vie.

    Chantée dans 1e Jura en 1905
    Claude ROYER, Les Vignerons.
    Usages et mentalités des pays de vignobles

  • Le vin de l´amitié

    Nous levâmes notre verre dessus notre goulet regardant au travers le ciel et notre sort, qur nous paraissait rose. Pendant quelques minutes, le silence régna... Chamaille buvait d´un seul trait, à petits coups... Paillard regardait son verre, par-dessus, par-dessous, à l´ombre et au soleil, le humait, reniflait, buvait du nez, de l´oe il autant que du palais. Pour moi je savourais ensemble le breuvage et les buveurs; ma joie s´augmentait de la leur, et de les observer; boire et voir font la paire; c´est un morceau de roi.

    Romain ROLLAND, Colas Breugnon écrit en 1914, publié en 1918

  • Boire et manger

    Pour Benjamin Rathery, médecin de campagne bourguignon, "epicurien" qui poussait sa philosophie jusqu´à l´ivresse, c´est, la faculté de boire et de s´enivrer qui donne à l´homme sa supériorité sur la brute.

    Manger est un besoin de l´estomac: boire est un besoin de l´âme. Manger n´est que d´un vulgaire artisan, tandis que boire est d´un artiste. Boire inspire des riantes idées aux poètes, de nobles pensées aux philosophes, des sons mélodieux aux musiciens; manger ne leur donne que des indigestions.

    Claude TILLIER, Mon Oncle Benjamin (chapitre III) Paris, 1841

  • L´âme du vin

    Un soir, l´âme du vin chantait dans les bouteilles:
    "Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
    Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
    Un chant plein de lumière et de fraternité!
    Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
    De peine, de sueur et de soleil cuisant,
    Pour engendrer ma vie et pour me donner lÕâme,
    Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
    Car j´éprouve une joie immense quand je tombe
    Dans le gosier d´un homme usé par ses travaux, Et sa chaude poitrine est une douce tombe
    O¯ je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
    Entends-tu retentir les refrains des dimanches
    Et l´espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
    Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
    Tu me glorifieras et tu seras content;
    J´allumerai les yeux de ta femme ravie;
    A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
    Et serai pour ce frêle athlète de la vie
    L ´huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
    En toi je tomberai, végétale ambroisie,
    Grain précieux jeté par l´éternel Semeur,
    Pour gue de notre amour naisse lo poésie
    Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur!"

    Charles BAUDELAlRE, les Fleurs du Mal, 1850

  • Le pied de vigne ou l´imagination de la matière JÕétais un pied de vigne.
    Nous étions tous trois voisins d´espalier. [...]
    Par un beau matin ensoleillé, ma fleur s´est
    métamorphosée en un beau grain de raisin.
    Un seul, oui!
    Vermeille était sa couleur,
    ronde sa forme,
    juteuse sa substance!
    Ah, I´imagination de la matière! [...]
    Il a sorti son sécateur et clac ! (dans le vif du sujet).
    On a beau être de bois,
    J´en ai eu le souffle coupé. [...]
    Et c´est ainsi que je suis devenu vin.

    Raymond Devos, Matière à rire,
    Paris, Olivier Orban, 1991

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